Lire un tableau

date_range 06 Mars 2021 folder Apprendre

Comment regarder un tableau pour qu'il nous parle.

 

 

Je ne suis pas une experte loin de là. Je partage un petit bout de mon vécu, c'est tout. Mon plaisir à voir des expositions de peintures est à la mesure de ce que mon cerveau peut engrangé comme analyse. Et encore. Je n'analyse pas systématiquement ceux que je vois. Enfin, pas complétement et bien souvent j'ignore les détails de leur conceptions ce qui fait que 'il me manque des informations essentielles pour comprendre le tableau. J'admire juste la peinture dans son ensemble, le talent du peintre et reste à l'écoute de mon ressenti.

 

Il existe beaucoup de livres d'analyse picturale des chefs-d’œuvre reconnus. On peut commencer par les lire. J'ai quelques livres de ce type chez moi. On peut aussi prendre un cours, ce que j'ai fait il y a fort longtemps, à 16 ans, au Louvre. Cours pour débutant qu'ils disaient ! Une semaine de cours théoriques l'après-midi et visite approfondie d'un tableau le lendemain matin. Il semble que cette formation ouverte à un public de néophytes existe encore sous forme de stage d'été.

Comme je termine un cours d'aquarelle en ligne, visiter une exposition m'a paru judicieux. Je suis toute imprégnée de notions comme les valeurs, la théorie des couleurs, celle de la lumière et donc des ombres, la théorie des équilibres et de la composition... je reste définitivement une néophyte en la matière, tellement le sujet est complexe et nécessite de nombreuses connaissances.

 Toutefois, je regarde les tableaux avec ces nouveaux filtres. 

Exposition Bemberg à l'Hermitage, Lausanne, cette année 2021.

 L'affiche

index

Se poser des questions.

Le theme du tableau est-il banal, original, rare, quel est son traitement ?

Au-delà du sujet du tableau, comment le peintre a t'il agencé ses couleurs, sont-elles chaudes ou froides, ici elles sont globalement froides ce qui voudrait dire que c'est le matin, car plus on avance dans la journée plus les teintes se réchauffent de rouge et d'orange. Les jaunes tirant sur le vert sont plus froids que les oranges dans la gamme des jaunes par exemple...

L'ombre courte du bateau suggère que l'on est proche de midi... il fait donc chaud, un couple et un enfant prennent le soleil, ils se prélassent sur le sable. Ils habitent le tableau, peut-être qu'ils viennent de la ville suggérée par des taches rouge ? Mais ils ne sont pas le sujet principal... Serait-ce le bateau ? Que nenni, il est coincé sur le sable, ne flotte pas, il est très peu détaillé, on le suggère plus qu'on ne le peint...

Chercher des indices :

Comment bouge mon regard sur le tableau...
La montagne du fond délimite l'horizon, elle occupe toute la largeur du tableau, mais elle est aussi peu détaillée. Lisse, comme muette, elle est presque un écho solide du liquide...

Car oui le sujet du tableau est bien la mer et son rocher.

Comment sont les traits de pinceaux ? Comment le rocher est-il fait ? De l'un comme de l'autre, il émane une certaine rudesse du trait qui contrebalance la nonchalance des baigneurs.  Le rocher immobile souligne l'élément liquide, sa vivacité ourlet blanc pur de l'écume, sa fraîcheur par les tons froids dont il est peint.  Le rocher ponctue le tableau en équilibrant la masse du bateau et les baigneurs que j'avais d'abord pris pour des roches sur l'affiche.

 L'équilibre ombre est lumière est respecté: la partie sombre de la mer vient contrebalancer la lumière du rocher, de la plage et la luminosité du ciel.

Donc, dans ce tableau nous avons toute une histoire sur ce que le peintre veut nous dire de la mer : rude, froide, en mouvement, liquide, sombre, bruyante.
 Une marine impressionniste qui parle aux émotions, aux ressentis du spectateur.

*****************************

Une analyse d'un portrait que j'aime beaucoup ( Le sujet porte une barbe et c'est un attrait non négligeable pour moi), la barbe était à l'époque un symbole de sagesse. Celui de Balthazar de Castiglione de Raphaël

Portrait-de-Balthazar-Castiglione-Raphael

 

 

 

Pour l'avoir détaillé en vrai au Louvre, je sais que les nuances de peinture sont d'une finesse extrême (la photo écrase complétement ces nuances... c'est de la photo...), c'est tout le talent du peintre. Que ce soit sur la chemise ou dans la fourrure, ce tableau donne une impression de douceur moelleuse. Pour l’auteur, Raphaël,  les couleurs renvoient au métier de Balthazar qui était un diplomate, cela prend tout son sens, n'est-ce pas. Raphaël utilise toutes les nuances de gris pour contrebalancé le noir et le blanc, encore une référence au métier de diplomate qui doit unir les contraires. Il a une pose " à la Joconde". Au XVe siècle, les modèles étaient représentés de profil. Il a fallu attendre les peintres flamands pour les représenter de trois quarts pour exploiter le regard. Puis, au début du XVI e siècle la Joconde de Léonard de Vinci se fait connaître. Ce portrait a la particularité de montrer les mains, c’est-à-dire un autre élément expressif.

Les mains sont croisées et elles ne montrent aucune émotion. Mais ce qui est étrange c’est qu’on ne les voit qu’en partie.
Pourquoi les avoir montrés à moitié ? Il aurait pu ne pas les peindre ou les représenter entièrement. Peut-être pour dire que quelque chose nous échappe. Cela peut signifier qu’on voit que ce que Castiglione veut bien nous montrer.
Cela rappelle son rôle de diplomate. Il montre ce qu’il veut, il ne révèle pas tout.

Ses yeux sont vifs. C'est le spectateur qu'il regarde, qu'il prend à témoin.

J'aime ce tableau serein, calme, presque reposant où la lumière est absorbée par les divers tissus de la tenue. Cette frugalité de teintes donne encore plus de relief au visage peint dans des tons chauds de jaune et de carmin qui souligne le caractère chaleureux du personnage., ou du moins est-ce ainsi que Raphaël veut nous le montrer, le lui a-t-on demandé ?

 

L'analyse permet d'entrer en dialogue avec le peintre.  Cela va bien plus loin du *j'aime vs j'aime pas". Il y a des tableaux choquants que je ne comprends pas du tout, heurtée dans mes émotions, presque agressée, je les décris comme horribles. Il y a des tableaux qui ne me parlent pas... j'ai beau bien regarder, je suis et reste à distance, il me manque des clés de lecture.

C'est pour cela qu'il est important de voir des tableaux en vrai et non en photo ou dans des livres. Bien que les représentations permettent de faire une analyse, elles masquent  et déforment par des éclairages trop directs, des partis pris de saturations et de contrastes, ce que le peintre à voulu  exprimer.

 Les livres sont utiles pour apprendre, regarder un tableau en vrai, c'est mieux pour le vivre.

 

A vous de jouer les détectives, la prochaine fois que vous verrez un tableau de maître.

 

 

 

 

0
1
Recevoir les mises à jour du blog par email

Vous allez recevoir un email pour finaliser votre inscription.
Il existe déjà un compte sur ce blog avec cette adresse email. Vous allez recevoir un email pour vous connecter.
Merci de saisir une adresse email.